La taxe foncière est un sujet qui cristallise souvent les tensions entre propriétaires et locataires commerciaux. Qui doit réellement la payer ? Comment la refacturer légalement ? Quelles sont les règles depuis la loi Pinel ? 🏢
Dans un contexte où la fiscalité immobilière française figure parmi les plus élevées d’Europe (2,2 % du PIB contre seulement 1,1 % en moyenne pour les pays de l’OCDE), comprendre les mécanismes de répartition de cette charge devient très important pour les deux parties.
Légalement, c’est le propriétaire qui est redevable de la taxe foncière. Mais la pratique commerciale a consacré la possibilité de la transférer au locataire via le bail. Cette faculté, longtemps laissée à la liberté contractuelle, a été progressivement encadrée.
Voyons comment naviguer dans ce domaine souvent source de contentieux, et comment rédiger des clauses qui protègent efficacement vos intérêts tout en respectant la législation actuelle.

Les infos à retenir (si vous n’avez pas le temps de tout lire) :
– 📜 Le propriétaire est légalement redevable de la taxe foncière, mais peut la transférer au locataire commercial.
– ⚖️ La loi Pinel de 2014 exige un inventaire précis des charges refacturables au locataire.
– 📝 La clause de transfert doit mentionner explicitement la taxe foncière selon la jurisprudence récente.
– 💰 Le paiement s’effectue généralement par remboursement après acquittement par le propriétaire.
– 📅 La taxe foncière est payable annuellement vers le 15 octobre sur la base de la valeur locative cadastrale.
🔍 Principe de répartition de la taxe foncière dans un bail commercial
La taxe foncière représente un impôt local annuel qui frappe les propriétés bâties. Son paiement intervient généralement vers le 15 octobre de chaque année. Mais qui doit réellement l’acquitter dans le cadre d’un bail commercial ?
Sur le plan légal, c’est simple : le propriétaire est le seul redevable officiel auprès de l’administration fiscale. C’est lui qui reçoit l’avis d’imposition et doit s’en acquitter.
Toutefois, la pratique commerciale a largement consacré la possibilité de reporter cette charge sur le locataire. Comment ? Par l’insertion d’une clause spécifique dans le contrat de bail.
| Type de charge | Redevable légal | Transfert possible ? | Condition de transfert |
|---|---|---|---|
| Taxe foncière | Propriétaire | Oui | Clause expresse dans le bail |
| Taxe d’enlèvement des ordures ménagères | Propriétaire | Oui | Clause expresse dans le bail |
Cette possibilité de transfert n’est pas anodine. Elle représente souvent une charge significative pour le locataire commercial, calculée sur la base de la valeur locative cadastrale du bien, diminuée d’un abattement forfaitaire de 50%. En tant que propriétaire bailleur, il est d’ailleurs recommandé de vous protéger contre d’autres risques locatifs comme les impayés de loyer.
💡 Attention : la jurisprudence a considérablement évolué sur ce point. Avant, une clause générale de transfert des « impôts et taxes » pouvait suffire. Aujourd’hui, les tribunaux exigent une mention explicite et non équivoque de la taxe foncière.
Le transfert de cette charge fiscale s’opère généralement par remboursement : le propriétaire paie d’abord l’administration, puis refacture au locataire, souvent au prorata de la surface occupée dans les locaux à usages multiples.
⚖️ Impact de la loi Pinel sur la refacturation de la taxe foncière
La loi Pinel du 18 juin 2014 a profondément modifié les règles du jeu concernant la répartition des charges dans les baux commerciaux. Objectif ? Protéger davantage les locataires face aux pratiques parfois opaques de certains bailleurs.
Avant cette réforme, les baux contenaient souvent des clauses générales permettant au bailleur de refacturer toutes sortes de charges au locataire, sans inventaire précis. La loi Pinel a mis fin à cette pratique.
Désormais, tout bail commercial doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés au bail, avec leur répartition entre bailleur et preneur.
- ✅ La taxe foncière reste transférable au locataire
- ✅ Mais elle doit être explicitement mentionnée dans le bail
- ❌ Une clause générale de transfert « de tous impôts et taxes » n’est plus suffisante
- ❌ Le bailleur ne peut plus refacturer certaines charges (grosses réparations de l’article 606 du Code civil)
La chronologie des évolutions législatives montre une tendance claire vers plus de transparence :
- Avant 2014 : liberté contractuelle presque totale
- 18 juin 2014 : adoption de la loi Pinel
- 2015 : entrée en vigueur pour les nouveaux baux
- 2018 : application aux baux en cours lors de leur renouvellement
💡 Point important : la loi Pinel n’interdit pas la refacturation de la taxe foncière au locataire. Elle exige simplement que cette refacturation soit clairement prévue et détaillée dans le contrat.
Cette réforme a contribué à rééquilibrer la relation bailleur-preneur, en imposant plus de transparence et en limitant les surprises désagréables pour les locataires commerciaux.
👨⚖️ Jurisprudence récente sur la taxe foncière en bail commercial
La position des tribunaux concernant la refacturation de la taxe foncière a considérablement évolué ces dernières années, créant parfois une certaine insécurité juridique pour les bailleurs.
L’arrêt marquant de la Cour de cassation du 12 septembre 2019 a constitué un véritable tournant. Dans cette affaire, les juges ont considéré qu’une clause générale mettant à la charge du preneur « tous impôts, contributions et taxes » était insuffisamment précise pour permettre la refacturation de la taxe foncière.
Cette décision a créé une onde de choc dans le secteur immobilier commercial. De nombreux bailleurs se sont retrouvés dans l’impossibilité de refacturer la taxe foncière malgré des clauses qui semblaient, jusqu’alors, suffisantes.
La jurisprudence distingue désormais clairement :
- Les baux conclus avant la loi Pinel : même pour ceux-ci, la mention explicite de la taxe foncière est de plus en plus exigée
- Les baux conclus après la loi Pinel : l’exigence d’une clause expresse et détaillée est systématique
D’autres décisions ont confirmé cette tendance stricte. Par exemple, en 2020, la Cour de cassation a jugé qu’une clause prévoyant le remboursement « des taxes municipales » n’était pas suffisamment explicite pour inclure la taxe foncière.
🚨 Attention : cette évolution jurisprudentielle a conduit à de nombreux contentieux, certains locataires refusant désormais de rembourser la taxe foncière en l’absence de clause parfaitement explicite.
Pour les bailleurs, la leçon est claire : la plus grande précision s’impose dans la rédaction des clauses relatives aux charges, impôts et taxes, avec une mention explicite et non équivoque de la taxe foncière.
📝 Rédaction optimale des clauses relatives à la taxe foncière
Face à l’évolution législative et jurisprudentielle, comment rédiger une clause efficace concernant la taxe foncière dans un bail commercial ? Voici les éléments essentiels à intégrer pour éviter tout contentieux futur.
La formulation doit être explicite et ne laisser aucune place à l’interprétation. Oubliez les formules générales du type « tous impôts et taxes » qui ne suffisent plus aujourd’hui.
Exemple de formulation recommandée : « Le preneur remboursera au bailleur, en sus du loyer, la taxe foncière sur les propriétés bâties ainsi que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères afférentes aux locaux loués, au prorata de la surface occupée. »
💡 Conseil pratique : distinguez clairement la taxe foncière proprement dite de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), qui figure sur le même avis d’imposition mais constitue une taxe distincte.
Checklist des éléments essentiels pour une clause optimale :
- ✅ Mention explicite de « la taxe foncière sur les propriétés bâties »
- ✅ Précision sur le mode de calcul (totalité ou prorata)
- ✅ Modalités de remboursement (échéance, justificatifs)
- ✅ Mention distincte de la TEOM si elle est également refacturée
- ✅ Référence aux dispositions légales applicables
Pour les locaux à usage mixte ou les immeubles comportant plusieurs locataires, précisez la clé de répartition (quote-part de surface, tantièmes, etc.).
Prévoyez également les modalités pratiques de refacturation : transmission d’une copie de l’avis d’imposition, délai de remboursement, possibilité de provisions mensuelles pour éviter un paiement important en une seule fois.
La rédaction soignée de cette clause est un investissement qui vous évitera bien des complications et des contentieux ultérieurs.
En définitive, la question de la taxe foncière dans les baux commerciaux illustre parfaitement l’équilibre délicat entre liberté contractuelle et protection du locataire. Et les commerçants doivent d’ailleurs jongler avec de nombreuses obligations légales, comme les assurances obligatoires pour leur activité.
Si le transfert de cette charge reste possible, il est désormais strictement encadré. Pour les bailleurs comme pour les preneurs, la vigilance s’impose lors de la négociation et de la rédaction du bail. Une clause mal rédigée peut entraîner des conséquences financières importantes, notamment pour le bailleur qui pourrait se retrouver dans l’impossibilité de refacturer cette charge. N’hésitez pas à consulter un professionnel du droit pour sécuriser vos contrats.

