Ne pas avoir (ou peu) cotisé en travaillant ne signifie pas « zéro retraite ». C’est pourtant l’angoisse numéro 1 de millions de femmes qui ont dédié leur carrière à leur foyer et à l’éducation de leurs enfants. Et cette angoisse est légitime : en France, l’écart moyen des pensions de retraite entre hommes et femmes est encore de 40%. Cet écart s’explique largement par les carrières hachées et le temps partiel… mais aussi par le statut de mère ou femme au foyer. Heureusement, le système français a prévu des mécanismes de solidarité. Non, la retraite des femmes au foyer n’est pas une légende urbaine. C’est un droit, basé sur 4 piliers principaux : l’AVPF, les droits familiaux, l’ASPA et la pension de réversion. On vous explique comment ça marche.
Les infos à retenir (si vous n’avez pas le temps de tout lire)
- 🏠 Non, « femme au foyer » ne veut pas dire 0€ de retraite. Le système de solidarité compense l’absence de cotisations salariales.
- 👶 L’AVPF (via la CAF) vous permet de valider des trimestres (sur la base du SMIC) pendant que vous élevez vos enfants, sous conditions de ressources. Mais attention : ces trimestres ne concernent que la retraite de base. Pour comprendre comment les trimestres par enfant s’accumulent réellement, il faut distinguer les deux régimes.
- ⚠️ Le Piège ! L’AVPF valide des trimestres pour la retraite de base, mais accumule 0 point pour la retraite complémentaire (Agirc-Arrco).
- 🎁 Chaque enfant vous donne droit à 8 trimestres (2 ans) « gratuits » pour votre durée d’assurance (retraite de base).
- 🛡️ Le Filet de Sécurité : Si vos ressources sont trop faibles, l’ASPA (ex-minimum vieillesse) garantit un revenu minimum d’environ 1 012 € par mois (en 2025) dès 65 ans.
Droit n°1 : L’AVPF (Assurance Vieillesse des Parents au Foyer)
C’est le droit le plus important et le plus méconnu. L’AVPF est le dispositif central pour la retraite des femmes au foyer.
Concrètement, si vous arrêtez de travailler (ou travaillez très peu) pour vous occuper de vos enfants, l’État, via la Caisse d’Allocations Familiales (CAF), cotise gratuitement pour vous à l’Assurance Retraite (la CNAV).
Comment ça marche ?
Pendant les périodes où vous êtes affiliée à l’AVPF, vous validez des trimestres de retraite exactement comme si vous aviez perçu un salaire équivalent au SMIC (on parle de « SMIC fictif »). Ces trimestres comptent pour :
- Le calcul de votre durée d’assurance (pour atteindre le taux plein).
- Le calcul du montant de votre retraite de base.
Qui peut en bénéficier ?
L’affiliation à l’AVPF n’est pas automatique pour toutes les mères au foyer. Elle est soumise à des conditions strictes de prestations familiales et de ressources :
- Vous percevez certaines allocations : L’affiliation est souvent déclenchée par le versement de la Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), du complément familial, ou de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP).
- Vous avez un enfant de moins de 3 ans : Si vous n’avez pas d’activité ou une activité réduite, vous pouvez être affiliée (sous conditions).
- Vous respectez les plafonds de ressources : Si vous vivez en couple, les revenus de votre conjoint sont pris en compte pour déterminer votre éligibilité.
La bonne nouvelle, c’est que si vous remplissez les conditions, c’est la CAF qui s’occupe de tout. Vous n’avez (normalement) aucune démarche à faire.
Le Piège que Personne n’Explique : Zéro Point de Retraite Complémentaire
C’est le point d’expertise crucial, celui qui explique en grande partie l’écart de 40% des pensions à l’arrivée.
L’AVPF est un dispositif formidable, mais il ne cotise que pour un seul régime : la retraite de base (CNAV). Il ne vous donne strictement aucun point pour la retraite complémentaire (Agirc-Arrco), qui représente pourtant une part non négligeable de la pension des salariés.
Voici la différence fondamentale :
| Dispositif | Retraite de Base (CNAV / Assurance Retraite) | Retraite Complémentaire (Agirc-Arrco) |
|---|---|---|
| Emploi salarié (au SMIC) | Valide des trimestres ET cotise (sur base SMIC) | Valide des points (sur base SMIC) |
| AVPF (Mère au foyer) | Valide des trimestres (sur base SMIC fictif) | Valide 0 point |
Concrètement ? Si vous avez une carrière complète uniquement basée sur l’AVPF (par exemple, 4 enfants élevés sur 20 ans), vous aurez bien tous vos trimestres pour obtenir le taux plein de la retraite de base. Mais le montant de votre retraite complémentaire Agirc-Arrco sera de… 0 €.
C’est là que la pension de réversion devient vitale : c’est souvent le seul moyen pour une femme au foyer de percevoir une retraite complémentaire, en touchant une partie (60%) de celle de son conjoint décédé (uniquement si vous étiez mariés). D’ailleurs, savoir quels biens déclarer pour la pension de réversion peut faire toute la différence dans votre stratégie patrimoniale.
Droit n°2 & 3 : Les Trimestres « Gratuits » (Enfants et Aidants)
En plus de l’AVPF, d’autres droits « gratuits » (non cotisés) s’ajoutent à votre carrière.
1. La Majoration pour Enfants (8 trimestres)
Indépendamment de l’AVPF, chaque enfant né (ou adopté) vous donne droit automatiquement à 8 trimestres supplémentaires pour la retraite de base :
- 4 trimestres au titre de la maternité (ou adoption).
- 4 trimestres au titre de l’éducation.
Ces 8 trimestres (par enfant) sont ajoutés à votre durée d’assurance. Ils aident à atteindre plus vite le nombre de trimestres requis pour le taux plein.
2. L’AVA (Assurance Vieillesse des Aidants)
La réforme des retraites de 2023 a élargi le principe de l’AVPF aux aidants familiaux. Si vous n’élevez plus d’enfants mais que vous avez dû arrêter de travailler pour vous occuper d’un parent âgé, d’un conjoint ou d’un enfant en situation de handicap, vous pouvez désormais valider des trimestres via l’Assurance Vieillesse des Aidants (AVA), sous des conditions similaires.
Droit n°4 : L’ASPA, le filet de sécurité pour la retraite des femmes au foyer
Que se passe-t-il si, malgré l’AVPF et les trimestres pour enfants, le calcul de votre pension (ou l’absence de pension) est très faible ?
C’est là qu’intervient le filet de sécurité de la solidarité nationale : l’ASPA (Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées), aussi connue comme l’ex-« minimum vieillesse ».
C’est un revenu minimum garanti, versé aux personnes de 65 ans ou plus ayant de faibles ressources.
- Conditions : Avoir 65 ans, résider en France, et avoir des ressources (toutes pensions confondues, revenus, etc.) inférieures au plafond.
- Montant (en 2025) : L’ASPA vient compléter vos faibles revenus pour atteindre un plafond garanti. Ce plafond est d’environ 1 012,02 € par mois pour une personne seule et 1 571,16 € pour un couple.
Si vous n’avez jamais travaillé et que vous n’avez droit à aucune pension, l’ASPA vous assure ce revenu minimum (sous réserve d’éligibilité).
Attention : L’ASPA est une allocation de solidarité, pas une retraite cotisée. Elle est récupérable sur votre succession si l’actif net dépasse 100 000 € (en 2025).
Au final, l’idée d’une retraite des femmes au foyer à 0€ est un mythe. Entre les trimestres validés par l’AVPF, les majorations pour enfants et le filet de sécurité de l’ASPA, des droits existent et sont solides. Le vrai enjeu n’est pas l’absence de droits, mais le montant de ces droits, lourdement impacté par l’absence de retraite complémentaire. Comprendre ce mécanisme est la première étape pour anticiper, vérifier vos relevés de carrière (auprès de la CNAV) et, si vous êtes mariée, prendre en compte la pension de réversion dans votre stratégie future.
FAQ : Questions fréquentes sur la retraite des mères au foyer
1. Une femme au foyer qui n’a jamais travaillé peut-elle avoir une retraite ?
Oui, mais elle ne sera pas issue de cotisations. Si elle a eu des enfants, elle aura des trimestres « gratuits » (majorations) et potentiellement des trimestres validés par l’AVPF (si elle touchait des allocations CAF). Si cela ne suffit pas, elle pourra prétendre à l’ASPA (minimum vieillesse) à partir de 65 ans, sous conditions de ressources.
2. Comment savoir si je bénéficie de l’AVPF ?
C’est très simple : connectez-vous à votre compte sur le site de l’Assurance Retraite (CNAV) et consultez votre « relevé de carrière ». Les périodes d’AVPF doivent y figurer ligne par ligne, avec la mention « Assurance vieillesse parents au foyer » et le nombre de trimestres validés. Si vous avez un doute, contactez votre CAF.
3. Le PACS ou le concubinage donne-t-il droit à la pension de réversion ?
Non. C’est un point capital. La pension de réversion (aussi bien celle de base que la complémentaire Agirc-Arrco) est exclusivement réservée aux couples mariés. Ni le PACS, ni le concubinage n’ouvrent ce droit, même si vous avez eu des enfants ensemble.
4. L’ASPA est-elle remboursable par les enfants ?
Non, l’ASPA n’est pas remboursable par les enfants de leur vivant. Elle est récupérable uniquement sur la succession du bénéficiaire (à son décès), et seulement si l’actif net successoral (le patrimoine laissé) dépasse 100 000 € (en 2025).
